© Shiya & Mistaken

La minuscule aiguille s'enfonça dans sa peau aussi aisément qu'un couteau coupant du beurre. Dès lors, c'en était fini de lui, sa vie étant sur le point de s'en aller pour un monde qu'on jugera sans doute meilleur. Les obsèques auraient lieu dans une semaine, on déblatérait de ce qu'il a et aurait pu accomplir, les larmes couleraient, les sanglots se compteraient par centaines. Et tout le monde finirait par l'oublier. La fine piqûre sur la paume de sa main se serait refermée bien avant l'autopsie, laissant simplement le cholestérol pour seul responsable. Et pourtant, il souriait face à celui qui venait de tout lui faire perdre en l'espace de quelques micro-secondes, il souriait face à Wade Conroy, son assassin. Ce soir cependant, ça n'était pas son identité. Ce soir, il était Paul, riche héritier d'une quelconque entreprise qui mettrait son argent au profit de ce candidat aux élections sénatoriales. Un subterfuge nécessaire pour se retrouver proche de sa cible, le reste n'était que formalité lorsque l'on connaissait la formidable capacité du beau brun pour attirer les visages.

Son travail accompli, Wade se détourna du groupe d'hommes, laissa subtilement tomber l'aiguille empoisonnée dans une poubelle au passage, puis sortit sur la devanture du pub. Étonnant de simplicité, il respirait d'assurance, débutant une nouvelle discussion auprès d'une demoiselle quelconque en vantant l'association de ses chaussures avec ses yeux. Un discours bien loin d'être intéressant mais qui semblait passionnée la jeune. Nouvelle proie ? Non. Il fallait juste passé inaperçu le temps que les secours arrivent, embarquent le futur mort, et repartent.

De l'autre coté de la fenêtre, quelque part près du bar semble-t-il, un homme commençait à tituber. La vision troublée, il était sous le coup d'un manque d'oxygène soudain, ses bronches pulmonaires se réduisant expressément. Un poison ? Non. Tenter d'obtenir une substance nuisible éveillerait les soupçons des autorités, de même que certains mutants à la bonne conscience. Mais voyez-vous, c'est qu'à forte dose, le moindre médicament peut devenir dangereux. Se rendre en pharmacie est une chose tellement banale de nos jours que personne ne soupçonnerai le gentil et agréable Wade. Personne. Surtout pas dans la tenue vestimentaire qui le rendait si particulièrement bienveillant : le costume cravate. L'apparence parfaite. L'endroit parfait. Le moment parfait. Tout concordait pour que ce soir, les urgences aient du travail. Le son mélodieux de l'ambulance ne se fit pas tarder tandis qu'écroulé, la victime de Sieur Conroy était déjà au porte de l'enfer. Stoppé pendant leur présence, la vie reprit son cours dix minutes plus tard, laissant la soirée se poursuivre comme si rien ne s'était passé.

Un sourire en coin qui n'avait rien à voir avec la blague nulle de sa locutrice, Wade pouvait respirer.

Il ne lui arriverait rien ce soir...